Et s'amorce l'imperceptible mouvement des montagnes

Le récit est limpide, il prend le pas maintenant sur mes quelques souvenirs : il y a des hommes qui impriment à l’espace la cambrure de la moindre de leurs particules.

 

Je me souviens c’était un soir, froid, dans Lyon ; je me souviens qu’on me disait que j’allais pouvoir rencontrer une famille dont je voudrais, sans aucun doute, me sentir proche ; confiant, je me rendis à l’endroit convenu, chez eux.

Sur le pas de la porte, alors que résonnait encore l’énergie du trajet passé à pédaler contre les températures, j’eus l’impression que ces quatre visages, aux ressemblances indistinctes, s’adressaient silencieusement à bien d’autres que moi.

 

J’aperçus quelques rides, un ou deux regards, des bouches mi-closes.

 

Le temps de dire bonjour et je notai que leurs émotions s’étaient figées quelque part, à deux pas des évènements, au bord d’un bruit paisible, en marge de l’histoire ; l’homme qui accueillait les combats comme les veines le sang, d’un seul et même flux primordial, était mort. Il semblait avoir oublié qu’ici-bas certaines absences ne se déplacent plus une fois posé pied à terre, et qu’elles ne laissent que des corps incapables de modifier d’eux-mêmes leurs propres horizons.

Nous nous mîmes assez rapidement autour de la table, je ne me souviens pas combien d’heures s’écoulèrent. J’ai conservé l’écho de mes yeux lancés vers cet immense lustre qui avançait des lumières fortes. Je n’écoutais presque plus, j’essayais depuis un court instant de rétablir un plus juste équilibre entre la contagieuse admiration pour ceux qui montent la garde et l’étanchéité des ombres inconsolables qu’ils laissent derrière eux, mais rien à faire, l’ordre et l’inhumain adviennent toujours lorsque le silence fait poids.

 

Nos paroles n’étaient pas tristes, non, elles avaient juste en tête qu’il n’y aurait jamais plus de joyeuse ignorance, que serait toujours convoquée l’inquiétante servitude de la responsabilité, l’inquiétante servitude de la responsabilité.

 

Je repartis et passai par le pont de la Guillotière.

Je vis alors cette grande femme, seule, pleurer

 

Je vis encore un visage pétrifié et ne sus pas m’arrêter

 

lab

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